Le CREDO : une petite modification très éclairante

Parmi les éléments marquants de la nouvelle traduction du missel romain on trouve une modification dans le texte du Credo.

Actuellement, nous disons :

« Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ le Fils unique de Dieu,  né du Père avant tous les siècles
Il est Dieu, né de Dieu, Lumière, né de la Lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu, engendré, non pas créé,
de même nature que le Père, et par Lui tout a été fait. »

Désormais, nous dirons :

« Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles
Il est Dieu, né de Dieu, :Lumière, né de la Lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu, engendré, non pas créé,

consubstantiel au Père, et par Lui tout a été fait. »

 

Ainsi l’expression « de même nature que le Père » sera remplacée par « consubstantiel au Père », ce qui, soit dit en passant, reprend la traduction latine du Credo « consubstantialem Patri ».

Pourquoi ce changement ? le mot « nature » n’est-il pas plus accessible au grand public que le mot « consubstantiel » ?

Pour répondre, il nous faut faire un détour historique par les conciles de Nicée (325) et de Constantinople (381). L’enjeu de ces Conciles était de préciser qui est Jésus exactement : Est-il Dieu ? N’est-il qu’un homme ? S’il est Dieu cela signifie qu’il y a deux Dieux pour le chrétien : Le Père et le Fils (sans parler du Saint Esprit qui ferait un troisième Dieu !). Si Jésus n’est qu’un homme, cela a pour conséquence qu’il n’a pas pu donner la vie divine en partage aux hommes puisqu’il n’est qu’une simple créature ; nous ne pourrions pas alors devenir réellement enfants de Dieu.

Ces deux conciles ont tenu à affirmer hautement que l’homme Jésus est également pleinement Dieu (« vrai Dieu, né du vrai Dieu » dit le credo) tout en ajoutant que, pour les chrétiens, il n’y a qu’un seul Dieu et nous pas trois Dieux séparés (les chrétiens sont mono-théistes et non tri-théistes). Cependant, pour expliquer la foi Trinitaire, c’est-à-dire pour exprimer ce qui n’est pas exprimable par les mots humains, les Pères de ces deux conciles vont utiliser deux mots grecs -Le grec est la langue de référence dans l’empire romain d’Orient du IVème siècle-. Le premier mot est « ousia » que l’on peut traduire par « essence » ou « substance » ; le second mot est « hypostase » que l’on peut tenter de traduire tant bien que mal par « personne ».

 

UNE SEULE SUBSTANCE (OUSIA) – UN SEUL DIEU

Le mot « ousia » exprime l’unité véritable qui existe en Dieu : Dire que le Christ est de même « ousia » (substance) que le Père signifie qu’il partage pleinement la réalité divine du Père au point de ne former qu’un avec lui. Dans cette perspective, le mot « nature » employé par l’actuelle traduction française du Credo semble trop faible. Quand nous disons que deux choses sont de même nature, nous ne disons pas vraiment qu’elles ne forment qu’une même réalité. Ainsi, par exemple, lorsque nous disons que deux pièces de métal sont de même nature parce qu’elles sont faites dans le même alliage, nous ne disons pas qu’elles ne forment qu’une seule pièce de métal. Le mot « nature » est donc ambigu et n’exprime pas bien la foi au Dieu unique. Certains dirons que le mot « substance » n’est pas explicite ; certes, mais n’avons-nous pas dans notre foi des mots spécifiques qui n’ont pas d’équivalent dans le langage courant car ils parlent d’une réalité qui dépasse tout ce que l’homme peut imaginer ? Pensons par exemple au mot « sacrement » ou  à d’autres termes que l’on n’a même pas réussi à traduire en français : « alleluia », « amen », « hosanna ». Le mot « substance » réintroduit dans le Credo sonnera comme un avertisseur pour le chrétien : Attention nous parlons d’une réalité si étonnante que les mots eux-mêmes ne peuvent l’exprimer.

 

TROIS PERSONNES (HYPOSTASES)

Le mot « hypostase » que l’on traduit habituellement, faute de mieux, par « personne », est utilisé pour exprimer qu’il existe dans le Dieu unique une différentiation qui, pourtant, ne porte pas atteinte à l’unicité de Dieu. La foi chrétienne affirme que nous croyons en Dieu qui tout en étant unique, se différentie en trois personnes : le Père, le Fils, L’Esprit. Cela veut dire qu’en Dieu, la différence des trois n’empêche pas l’unité et, inversement, l’unité divine n’interdit pas la diversité des personnes. En français le mot « personne » peut apparaître ambigu si on envisage la personne comme un « individu » isolé qui choisit ou non de s’associer avec d’autres. Dans la pensée chrétienne le mot « personne » (hypostase) renvoie à une relation si bien que le Père, le Fils et le Saint Esprit ne sont pas trois entités individuelles qui auraient accepté de s’associer. Il faudrait plutôt dire qu’il ils sont « personnes » car ils sont à la fois réellement différents et liés par une relation qui les structure dans leur unité comme dans leur différence. Nous vous trouvons, ni plus ni moins, devant une définition de l’amour parfait qui est à la fois communion totale et désir de voir l’autre garder éternellement sa particularité et son originalité. N’est-ce pas ce que nous disons, finalement, lorsque nous disons que Dieu est amour ? L’amour désire l’unité avec l’être aimé tout en désirant que l’aimé reste pleinement lui-même.

 

Article publié par Liturgie Service • Publié le Mercredi 20 octobre 2021 • 3618 visites

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